Alors que nous célébrons le centième anniversaire de la grève générale de Winnipeg de 1919, nous avons de nombreuses leçons à apprendre de ce moment historique du mouvement syndical canadien. Une grande partie des droits pour lesquels se battaient les travailleuses et travailleurs il y a 100 ans sont les droits pour lesquels nous devons continuer à nous battre aujourd’hui. Avec les gouvernements conservateurs nouvellement élus en Ontario et en Alberta, nous ne pouvons plus considérer nos droits comme acquis. Si nous comprenons les événements de 1919, nous serons en mesure de nous assurer un avenir meilleur.
En 1919, les travailleurs canadiens luttaient pour gagner leur vie, subissaient l’inflation, des licenciements d’après-guerre et des conditions de travail extrêmement dangereuses. Les travailleurs du bâtiment et de la métallurgie de Winnipeg se mirent en grève pour exiger des salaires plus élevés ; le 6 mai, le Conseil de la main-d’œuvre du district de Winnipeg organisa un vote auprès de ses membres, affiliés à plus de 70 syndicats différents, quant à leur soutien sur une grève générale en solidarité avec les grévistes : 11 000 votèrent en faveur de la grève, contre seulement 500 votes en opposition.
La grève générale de Winnipeg débuta le 15 mai 1919, avec le refus des employées des téléphones de se rendre au travail. Elles furent rapidement suivies par 35 000 travailleuses et travailleurs qui quittèrent leurs emplois, paralysant la troisième ville du Canada d’alors, avec ses 190 000 habitants. La grève dura six semaines, au cours desquelles elle rassembla des travailleurs syndiqués avec des travailleurs non syndiqués, et des employés du secteur public unirent leurs forces en solidarité avec les employés du secteur privé.
Le cynisme politique et corporatif intimide les travailleuses et travailleurs
En 1919, les grévistes de Winnipeg remirent en question une économie dominée par un capitalisme sans entrave et un ordre social qui mettait le profit avant l’humain, se battant pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et le droit de négociation collective. La réponse immédiate des employeurs fut de conspirer avec le gouvernement pour briser la grève. Le maire de Winnipeg interdit les défilés et licencia l’ensemble des forces de police de la ville après que les agents eurent refusé de signer un engagement de fidélité.
La grève ébranla le Canada. À la fin du mois de mai 1919, des postiers de l’ouest canadien se mirent en grève par solidarité. Le 14 juin, lorsque le Vancouver Sun tenta de publier un éditorial intitulé “No Revolution in Vancouver” (« Pas de révolution à Vancouver »), les imprimeurs du Sun quittèrent leur travail. La grève prouva que si c’est le peuple qui produit la richesse, le peuple peut également la reprendre. Elle unifia le mouvement ouvrier et jeta les bases d’une réforme massive du travail.
Face aux forces combinées du gouvernement et des employeurs, les grévistes n’eurent d’autre choix que de reprendre le travail le 25 juin, quatre jours après la manifestation du « samedi sanglant », au cours de laquelle des forces spéciales armées de fusils et de matraques s’abattirent sur la foule. Les grévistes furent déportés et beaucoup perdirent leur emploi ; deux furent tués ; dix dirigeants de la grève furent arrêtés et emprisonnés, parmi lesquels J.S. Woodsworth, le futur fondateur du CCF, précurseur du NPD. Il faudra presque trois décennies aux travailleuses et travailleurs canadiens pour que le mouvement syndical et la négociation collective soient reconnus.
Aujourd’hui : le taux de syndicalisation dans le secteur privé est en baisse, ce qui augmente le risque que les entreprises remplacent leurs employés par des travailleurs non syndiqués. Alors que les bénéfices des entreprises génèrent des milliards, les salaires des travailleurs continuent de stagner. Les PDG gagnent désormais plus en une journée que le salaire annuel moyen des travailleurs. Lorsque les travailleurs sont isolés et non organisés, il est facile pour les entreprises de réduire les effectifs et le salaire pour obtenir des bénéfices maximums.
Dans un contexte économique en mutation, le principal enseignement de la grève est qu’il nous faut surmonter nos peurs et divisions, syndiquer de nouveaux membres et protéger nos droits. Les travailleurs organisés sont beaucoup plus en mesure de négocier de bonnes conditions de travail que ceux qui ne le sont pas. Lorsqu’un membre participe activement à notre Section locale, cela nous rend tous plus forts. C'est pourquoi la Section locale 1944 appelle régulièrement nos membres à s’impliquer et à agir : la solidarité est la clé.
À quoi ressemble notre avenir ?
Il y a un siècle, les grévistes posèrent les fondations du syndicalisme et des droits du travail qui protègent aujourd’hui les travailleurs canadiens. Avec les soins de santé universels, le salaire minimum, les pensions de vieillesse, l’assurance-emploi, les congés de maternité, les week-ends, et les normes de santé et de sécurité, les Canadiens bénéficient de protections sociales pour lesquelles les grévistes se sont battus en 1919.
Cependant, nous ne pouvons pas nous permettre d’être complaisants. Le monde du travail est en train de changer, apportant de nouveaux défis. De nombreux Canadiens qui travaillent durement reçoivent des salaires de misère tout en augmentant la richesse de leurs employeurs, avec de moins en moins de chances de pouvoir se syndicaliser et construire une vie meilleure.
« Ce n’est que par le syndicalisme que nous pourrons nous préparer aux luttes à venir, a déclaré Isabelle Miller, Présidente nationale de la Section locale 1944 du Syndicat des Métallos. Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est que nous avons le pouvoir d’opérer un changement social. Les élites peuvent prendre le contrôle du pouvoir, mais les travailleurs peuvent aussi prendre le contrôle des choses, et c’est ce que la grève générale a accompli : elle a stoppé l’économie et a exigé des changements. »
Solidairement,
La Section locale 1944 du Syndicat des Métallos